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Évaluation des impacts socio-économiques de la filière huile de palme en République du Congo

La République du Congo est l’un des grands pays forestiers d’Afrique centrale. Malgré la présence toujours très importante de forêts au niveau national (24 millions d’hectares (ha), soit 70 % du territoire national), les tendances de déforestation et le contexte de dérèglement climatique font de la protection des couverts forestiers une priorité pour l’aménagement territorial et le développement agricole. En 2018, le gouvernement congolais a adopté le Plan national de développement 2018-2022 (PND 2018-2022), qui promeut la diversification de l’agriculture de manière durable.

L’un des secteurs agricoles clés dans cette planification est celui de l’huile de palme. Le Congo s’est engagé dans l’Initiative pour l’Huile de Palme en Afrique (African Palm Oil Initiative ou APOI en anglais) à travers la signature de la « Déclaration de Marrakech » à la session de 2016 de la Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, à l’initiative du Tropical Forest Alliance (TFA) 2020. L’objectif de l’initiative est de transformer le secteur de l’huile de palme dans dix pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale en un moteur durable de développement, avec une réduction d’émissions de carbone tout en produisant des avantages sociaux et protégeant la riche biodiversité des forêts tropicales de ces pays. Le TFA 2020 est un partenariat qui réunit des gouvernements ainsi que des consommateurs clés, des entreprises, des commerçants et producteurs, la société civile, et des groupes représentants des communautés locales et populations autochtones.

Lors du premier atelier national du TFA APOI en août 2017, les parties prenantes du processus TFA APOI au Congo ont validé 10 principes nationaux sur la production responsable et durable de l’huile de palme en République du Congo. Les deux premiers principes touchent à l’importance d’un développement de la filière de l’huile de palme en respect de la législation en vigueur, indispensables pour assurer le développement d’une filière responsable et durable. Lors du deuxième atelier national en décembre 2017, les parties prenantes du processus TFA APOI ont identifié des activités concrètes pour réaliser ces deux principes de base.

À la demande des parties prenantes du processus TFA APOI, l’Institut Européen de la Forêt (EFI) s’est engagé à appuyer une activité d’évaluation des impacts socio-économiques de scénarios d’occupation des sols avec un accent sur le palmier à huile, afin d’en optimiser la trajectoire de développement. Cette étude fut conduite sous la supervision de la direction générale de l’agriculture (ministère de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche — MAEP) qui assure la présidence de la plateforme APOI.

Trois départements agricoles de la République du Congo (Plateaux, Pool et Cuvette-Ouest) à fort potentiel de culture d’huile de palme ont été ciblés pour cette évaluation.

Le Land-use Planner, un outil développé par l’Institut européen de la Forêt dans le cadre de la Facilité REDD de l’UE, a permis de modéliser et de représenter l’impact de futurs choix d’usages des terres, pour faciliter une gestion territoriale participative.

Photo 1 : Parties prenantes de la Plateforme APOI

Pour développer les différents scenarios à l’horizon 2050 avec le Land-use Planner, les données ont été collectées à travers la documentation administrative (Plan de Développement du Secteur Agricole – PDSA et Monographies départementales principalement), et les entretiens avec des experts et professionnels sur le terrain : agronomes, responsables administratifs, encadrants du secteur agricole ou encore exploitants de palmeraie. Plusieurs types de données ont été collectés pour chaque culture (rendement, coûts de production, bénéfices, biodiversité et cycles de culture ou de rotation).

Figure 1 : Profil de rendement de la culture du palmier à huile par les petits producteurs en zone de savane. Productivité en tonnes par hectare en fonction des années (cycle de 25 ans).

Pour chaque département, trois scénarios ont été élaborés :

(1) Business as usual (BAU) :

Les rendements agricoles sont stables, les surfaces cultivées suivent l’évolution démographique, le palmier à huile et les autres cultures de rente ne sont pas développés au-delà de l’existant.

(2) Développement non-maitrisé du palmier à huile :

Dans ce scénario, les cultures de rente et en particulier l’huile de palme, se développent rapidement avec l’appui de programmes de développement publics et d’investissements privés. Ce développement se fait parfois au détriment des autres systèmes agricoles ou des écosystèmes non exploités et/ou protégés comme les forêts, sans respect des critères de durabilité de la Table ronde sur l’huile de palme durable (ou RSPO, de l’anglais Roundtable Sustainable Palm Oil). En 2050, les surfaces de palmier à huile cultivées représentent 755.000 hectares, dont environ 400.000 issues de déforestation. Canne à sucre et soja s’étendent aussi respectivement dans les départements des Plateaux et du Pool, où ces cultures sont déjà présentes.

(3) Développement maitrisé du palmier à huile :

Le palmier à huile s’étend de manière contrôlée et modérée, pour répondre d’abord aux besoins du marché national, l’expansion du palmier à huile est limitée aux zones répondant aux normes RSPO et au zonage national du PDSA. Les autres cultures sont améliorées et l’augmentation des rendements répond en partie aux besoins liés à l’accroissement de la population.

Dans la Cuvette-Ouest par exemple, il ressort de l’analyse du Land-use Planner que :

  • Le scénario non maitrisé (expansion sur la totalité des zones d’expansion PDSA) met en œuvre des superficies de palmier à huile potentiellement 17 fois supérieures au scénario maitrisé (expansion uniquement sur zones favorables selon le CIRAD).
  • Le scénario non-maitrisé met en œuvre un modèle à 100 % industriel, qui s’étend sur la forêt comme sur la savane. Ce scénario théorique est volontairement non aligné avec la politique de la République du Congo.
  • La surface forestière est en forte diminution dans le scénario non-maitrisé et on note une légère diminution dans les scénarios BAU et maitrisé.
  • Les émissions de CO2 dues la déforestation et à la dégradation de la forêt sont donc très importantes dans le scénario non-maitrisé.
  • De même, la biodiversité connait une chute importante dans le scénario non-maitrisé qui n’est pas visible dans les autres scénarios.
  • Le scénario non-maitrisé produit plus de valeur marchande, mais est aussi beaucoup plus destructeur pour le milieu naturel et ses services écosystémiques.
Figure 2 : Aperçu des impacts estimés des trois scénarios pour le Département Cuvette-Ouest sur quelques indicateurs économiques, sociaux et environnementaux.

Les tendances dans les deux autres départements sont semblables. Le principal enseignement de ce travail est que le scénario de développement maitrisé du palmier à huile, tout en épargnant les forêts, permet de couvrir la demande nationale projetée à 2050, et ce, grâce à la seule production combinée des trois départements étudiés.

Ce travail démontre également que cette couverture de la demande nationale peut tout à fait être atteinte par des modèles de plantation déployés en zones savanicoles, à proximité des principaux bassins de consommation et en conformité avec l’arrêté (2018) du ministère de l’Agriculture, de l’Élevage et de la Pêche orientant les investissements agro-industriels de plus de cinq hectares en zones savanicoles.

Le déploiement d’un tel scénario « maîtrisé » dans les autres départements du Congo permettrait par ailleurs, après avoir couvert les besoins nationaux, de développer les exportations. Ceci en s’appuyant notamment sur la certification RSPO, qui permettrait alors aux opérateurs localisés loin des bassins de consommation du sud du pays de pouvoir équilibrer leurs modèles économiques grâce à une meilleure valorisation de leur production à l’export.

Par ailleurs, grâce au travail mené dans le cadre de la présente étude, tous les facilitateurs en aménagement du territoire peuvent désormais s’appuyer sur des données consolidées et adaptées au contexte national.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter :

Mrs Judith-Flore Youdi-Malanda

TFA/APOI Focal Point, Ministry of Agriculture, Fishery, and Animal Husbandry (MAEP), Congo

judithyoudi@gmail.com

Promotion d’une gestion forestière intégrée dans la forêt pédagogique de Getas-Ngandong, en Indonésie, à travers un aménagement inclusif du territoire

En 2016, le ministère indonésien de l’Environnement et des Forêts a chargé l’Université Gadjah Mada (UGM), centre de recherche de premier plan, de gérer les 10 987 hectares de la forêt de Getas-Ngandong sous forme de « forêt pédagogique ». Située de part et d’autre de la frontière séparant les provinces de Java central et de Java oriental, cette ancienne forêt de production de teck était gérée par une entreprise publique, Perum Perhutani. Plus récemment, elle a été classée « forêt à affectation spéciale » par le ministère de l’Environnement et des Forêts (image 1). Au sein de l’UGM, nous nous demandons aujourd’hui comment la gérer pour répondre aux besoins et aux projets des personnes associées à l’université et de la communauté locale environnante.

Image 1 : La forêt de Getas-Ngandong est à cheval sur deux régions administratives, les provinces de Java central et de Java oriental. Source : Faculté des sciences forestières, UGM

Le conflit foncier et la gestion de la forêt de Getas-Ngandong

À la fin des années 1990 et au début des années 2000, période marquée par le début de l’Ère de la réforme en Indonésie et par une application généralement peu rigoureuse du droit foncier, d’importantes quantités de bois ont été illégalement prélevées dans la forêt de Getas Ngandong, dont plusieurs parties ont été converties en plantations de maïs. Cela a conduit à un conflit foncier prolongé entre Perum Perhutani et les villageois des environs. Même lorsque Perum Perhutani a commencé à élaborer des approches locales de la gestion forestière, le conflit a persisté.

En tant que nouveau gestionnaire de la forêt de Getas-Ngandong, l’UGM, par l’intermédiaire de sa Faculté des sciences forestières, s’emploie à résoudre ce conflit et à concevoir des approches de la gestion forestière à Getas-Ngandong qui soient avantageuses pour les nombreuses parties prenantes. Si la Faculté a l’intention d’utiliser la forêt comme un centre pédagogique, de formation et de recherche pour les membres de l’université au sens large (graphique 2), les villageois qui vivent dans et autour de la forêt souhaitent continuer de l’utiliser pour y planter des matières premières, comme le maïs et la canne à sucre, afin d compléter leurs revenus. À l’heure actuelle, l’UGM développe un site agroforestier associant la culture du maïs et du gingembre à des plantations de tecks, en collaboration avec les communautés locales.

Les enseignants aident les étudiants de l’UGM à bâtir une « forêt d’étude » dans le village de Pitu, dans la forêt de Getas-Ngandong. En 2022, ils ont commencé à planter de la cardamome sous les peuplements forestiers. Source : Faculté des sciences forestières, UGM

Dans le même temps, la dégradation de la forêt a suscité des inquiétudes (graphique 1). Nous envisageons donc de la réhabiliter pour renforcer les services écosystémiques qu’elle procure. Nous travaillons aussi avec d’autres parties prenantes – des organismes publics et des sociétés privées – à la mise en place d’activités de réhabilitation de la forêt. Dans certaines zones, nous avons commencé à planter différentes espèces d’arbres, comme des avocatiers, des manguiers, des jacquiers et des petai.

Graphique 1 : La zone forestière (en vert) a diminué ces 25 dernières années. Source : Faculté des sciences forestières, UGM

Analyser les scénarios prévisionnels d’utilisation des sols pour éclairer la gestion forestière

La réalisation de ces objectifs passe par une planification participative méticuleuse et des approches innovantes. Nous avons évoqué avec les membres des communautés l’idée de mettre en place des programmes d’utilisation collective de la forêt ou de réforme agraire dans cette zone. Nous avons aussi expérimenté l’outil Land-use Planner de l’Institut européen de la Forêt pour identifier d’éventuels scénarios prévisionnels d’utilisation des terres et leurs répercussions économiques, environnementales et sociales.

Catégories d’utilisations des terresSuperficie (ha)
Maïs6 487
Forêt de tecks2 000
Cultures intercalaires tecks maïs1 500
Canne à sucre500
Zone en jachère500
Total10 987
Tableau : Catégories actuelles d’utilisations des terres dans la forêt de Getas-Ngandong

Aujourd’hui, l’utilisation des terres dans la forêt de Getas Ngandong est dominée par les plantations de maïs (environ 70 % de la superficie, voir le tableau ci dessus). Le restant est occupé par des plantations de tecks, des cultures intercalaires de tecks-maïs et de la canne à sucre, ainsi que d’une zone en jachère. À l’aide du Land use Planner, nous avons élaboré quatre scénarios pour mettre en évidence les effets potentiels des décisions d’aménagement du territoire au sein de la forêt de Getas Ngandong.

1. Scénario par défaut

Le scénario par défaut repose sur la situation actuelle, dans laquelle la population locale totale s’élève à 47 922 personnes et croît à un rythme de 0,41 %. Sur une période de simulation de 30 ans, à mesure que la population augmente, le Land-use Planner calcule que la superficie de la forêt de tecks diminuera lentement, alors que celle des plantations agricoles progressera (graphique 4). Nous avons notamment pour objectif de restaurer la zone forestière et de maintenir la zone forestière actuelle à l’état de forêt. Il nous faut donc envisager d’autres scénarios qui trouvent un meilleur équilibre entre la forêt et les terres agricoles. Ces scénarios doivent aussi offrir une solution mutuellement satisfaisante pour l’UGM, grâce à une gestion collaborative des terres avec la communauté locale, qui est extrêmement dépendante de cette zone.

Graphique 2 : Modifications de l’utilisation des terres prévues dans le scénario par défaut, un scénario de maintien du statu quo selon lequel les plantations agricoles se développent en fonction de la hausse de la population. Source : projet Land-use Planner de l’UGM

2. Scénario d’extension du maïs

Le deuxième scénario étudie les effets de l’extension des utilisations agricoles, scénario probable en l’absence d’aménagement du territoire. Ce scénario vise à établir une simulation des modifications éventuelles de l’occupation des sols en convertissant la forêt de tecks en plantation de maïs et en développant plus encore la canne à sucre. Ce scénario se traduit par une explosion du taux de déforestation (à concurrence de 300 %). Il entraîne une disparition de la forêt de tecks à la fin de la période de simulation. En analysant les résultats, nos gestionnaires forestiers peuvent constater que sans aménagement du territoire et sans système de gestion forestière répondant au souhait des communautés d’étendre la production agricole, la zone forestière est menacée.

Graphique 3 : Simulation du changement d’occupation des sols d’après le scenario no 2. Source : projet Land-use Planner de l’UGM

3. Scénario de développement du teck

Dans ce scénario, nous avons étudié le remplacement des plantations de canne à sucre par une forêt de tecks, ainsi que l’extension de la forêt de tecks, d’une part, et des plantations de sucre de canne, d’autre part, sur les plantations de maïs. Dans ce scénario, le couvert forestier de tecks augmentera sensiblement au cours des 30 prochaines années. Cependant, il est moins plausible qu’il se concrétise, la communauté locale étant dépendante de la zone forestière pour ses cultures. Un autre scénario peut être mis en œuvre à l’aide des systèmes agroforestiers (scénario 4).

Graphique 4. Simulation du changement d’occupation des sols d’après le scénario no 3. Source : projet Land-use Planner de l’UGM

4. Scénario agroforestier

Nous souhaitions également observer la dynamique de l’occupation des sols en cas de conversion des plantations de maïs et de canne à sucre en forêts de tecks et en cultures intercalaires (tecks-maïs). Nous mettons actuellement en œuvre cette stratégie pour soutenir les moyens de subsistance des habitants. Avec ce scénario agroforestier, nous cherchons à résoudre le conflit foncier.

Graphique 5. Simulation des modifications de l’occupation des sols suivant le scénario no 4. Source : projet Land-use Planner de l’UGM

Trouver une solution équilibrée en évaluant les diverses options d’aménagement du territoire

Graphique 6. Extrait des résultats du Land-use Planner. Source : projet Land-use Planner de l’UGM

Outre la dynamique du changement d’occupation des sols, nous pouvons étudier les avantages et les inconvénients de nos quatre scénarios en fonction des différents aspects écologiques, économiques et sociaux présentés dans les résultats finaux du Land use Planner (graphique 6). Les résultats montrent que le scénario 4, notre scénario agroforestier prévoyant des cultures intercalaires tecks-maïs, offre le meilleur équilibre entre les avantages écologiques, économiques et sociaux. Suivant ce scénario, le couvert forestier atteindra 36 % dans 30 ans. C’est aussi celui qui offre la meilleure distribution des bénéfices, la plus importante production de matières premières et un impact positif sur les possibilités d’emploi. D’une manière générale, le scénario no 4 est conforme aux objectifs de lutte contre la déforestation dans la forêt de Getas Ngandong et d’amélioration des possibilités d’emploi et de subsistance de la communauté locale.

Lorsque les problèmes rencontrés sont complexes, la planification quantitative joue un rôle décisif dans le processus de prise de décision. Utiliser le Land-use Planner pour obtenir des détails sur les aspects écologiques, sociaux et économiques a permis de comprendre les options existantes en matière de gestion et leurs conséquences pour la forêt de Getas Ngandong.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter :

Bekti Larasati

bekti.larasati@ugm.ac.id

Des formateurs au service de l’aménagement participatif du territoire

Dernièrement, la Facilité REDD de l’UE avons organisé une formation sur notre Land-use Planner, un outil gratuit et interactif conçu pour faciliter les processus d’aménagement participatif du territoire. Le Land-use Planner est pratique, facile à utiliser et applicable à un large éventail de contextes et de processus de planification. Durant quatre semaines, nous avons formé 26 participants issus de sept organisations. Au cours de la formation, nous avons présenté l’approche inclusive de l’aménagement du territoire élaborée par l’Institut européen de la Forêt et, à chaque étape, communiqué des orientations sur l’utilisation du Land-use Planner à partir de cas réels soumis par les participants.

Au cours de la formation, les différentes équipes ont rassemblé des données sur les principales utilisations des terres, élaboré des scénarios prévisionnels d’occupation des sols pour leurs études de cas et analysé les répercussions économiques, environnementales et sociales de leurs diverses options de planification. On trouvera ci dessous les éléments marquants de trois projets étudiés pendant cette formation, lesquels illustrent l’application que l’on peut faire de cet outil dans des contextes de planification variés.

Laos : trouver des solutions de remplacement de l’agriculture itinérante grâce à l’aménagement du territoire

L’agriculture itinérante représente un défi de taille dans le cadre des efforts déployés pour promouvoir une gestion durable des terres dans le Nord Laos. Cette région se heurte à des difficultés liées à l’exploitation forestière illégale. De plus, l’ouverture de chemins et de routes permet d’accéder au massif forestier, ce qui conduit à une dégradation, à une fragmentation et in fine à une disparition des forêts. Dans l’agglomération de Thamla, GIZ et RECOFTC s’emploient à faciliter leur gestion et leur conservation, afin de réduire la déforestation et les émissions de gaz à effet de serre.

Au cours de la formation à l’aménagement du territoire, une équipe de GIZ et de RECOFTC a étudié les solutions de remplacement de l’agriculture itinérante afin d’améliorer la gestion des terres sur les cinq prochaines années. Leur projet portait essentiellement sur l’agglomération de Thamla, qui comprend trois villages répartis sur 17 000 hectares. Plusieurs utilisations des terres sont présentes, dont la culture du riz, des plantations de thé, des forêts et des pâturages.

Graphique 1 : Carte de la province de Houaphan, au Laos.
Graphique 1 : Carte de la province de Houaphan, au Laos.

Grâce au Land-use Planner et à leur connaissance des problématiques locales, GIZ et RECOFTC ont élaboré deux premiers scénarios prévisionnels pour mettre au jour les impacts potentiels des choix d’aménagement du territoire.

• Un scénario de maintien du statu quo, sans modification des activités d’occupation des sols pendant la période de planification 2022 2026.

• Un scénario d’extension, dans lequel les plantations de thé et d’arbres à huile de tung sont étendues à des zones précédemment affectées à la culture du riz.

Graphique 2 : Étape 3 (scénarios) du Land-use Planner. Les scénarios permettent à GIZ et à RECOFTC d’effectuer des projections des effets potentiels des choix d’aménagement du territoire sur une période de cinq ans. Source : GIZ et RECOFTC, projet Land-use Planner
Graphique 2 : Étape 3 (scénarios) du Land-use Planner. Les scénarios permettent à GIZ et à RECOFTC d’effectuer des projections des effets potentiels des choix d’aménagement du territoire sur une période de cinq ans. Source : GIZ et RECOFTC, projet Land-use Planner

Scénarios prévisionnels d’utilisation des terres associant les parties prenantes à une planification durable

L’exercice de création des scénarios a permis à l’équipe de dégager les principaux problèmes existant dans la région en matière d’utilisation des terres, ainsi que les choix qui devraient être dans la balance dans les futurs processus d’aménagement du territoire. La simulation montre qu’il serait possible de développer les zones agricoles sans empiéter de manière significative sur les forêts protégées et de conservation. GIZ et RECOFTC peuvent désormais utiliser les scénarios et les résultats de la simulation pour faciliter le dialogue entre les agriculteurs, les fonctionnaires et les autres parties prenantes à l’aménagement du territoire. Ces scénarios peuvent être affinés tout au long de ce processus participatif. Le Land-use Planner peut ainsi être utilisé dans le cadre d’un processus de planification inclusif réunissant autour de la table les principales parties prenantes afin d’élaborer une vision commune de l’avenir du milieu naturel. Il permet de mieux comprendre les répercussions environnementales, économiques et sociales des différentes décisions en matière d’utilisation des terres.

Indonésie : concilier le développement des plaines et la conservation des mangroves dans la province de Sumatra du Sud

En 2021, le gouvernement indonésien a choisi le district de Banyuasin pour mettre en œuvre des approches pilotes visant à améliorer la gestion des tourbières et des mangroves dans le pays. Le district est dominé par des tourbières et des mangroves riches en carbone. Il abrite aussi le parc national de Sembilang et la plus vaste mangrove d’Indonésie occidentale. Le littoral est aussi jugé stratégique, car il comprend plusieurs plaques tournantes portuaires de la province et représente une région clé pour le transport par voies navigables. Le district compte 21 sous-districts et 305 villages répartis sur 1,2 million d’hectares et les petites exploitations agricoles cultivent notamment de la noix de coco et de l’huile de palme, y compris dans la Zone forestière où sont situées les tourbières et les mangroves. La variété des activités économiques et l’importance des sites naturels du district de Banyuasin soulèvent différentes difficultés au regard de l’amélioration de la gestion des terres. Un aménagement du territoire est plus que nécessaire pour trouver l’équilibre entre le développement des plaines et la conservation des mangroves, et préserver les moyens d’existence des petits exploitants.

Zones de mangrove converties pour d’autres utilisations des terres, possiblement des plantations d’huile de palme. Source : Satrio Wicaksono, European Forest Institute

Gestion intégrée des sites naturels du sous-district de Banyuasin II

Graphique 3 : Carte du district de Banyuasin, en Indonésie. Source : WRI Indonesia

Le World Resources Institute (WRI) Indonésie possède un bureau dans la province de Sumatra du Sud et étudie avec le gouvernement du district de Banyuasin une éventuelle collaboration concernant une production durable d’huile de palme. À cette fin, le WRI a utilisé le Land-use Planner pour chercher à savoir comment étendre les zones agricoles affectées à l’huile de palme et au caoutchouc et développer les infrastructures sans empiéter sur les forêts protégées et de conservation dans le sous-district de Banyuasin II du district de Banuyasin, dans la province de Sumatra du Sud.

Le sout-district de Banyuasin II est une zone côtière de 350 000 hectares dominée par des tourbières, qui comprend :

  • des zones de mangrove (la plus vaste zone de mangrove d’Indonésie occidentale),
  • des plantations de noix de coco, d’huile de palme et de caoutchouc,
  • des zones économiques spéciales créées pour favoriser le développement futur du secteur portuaire.
Palétuviers à proximité de la côte. Source : Satrio Wicaksono, European Forest Institute
Plantations d’huile de palme. Source : Satrio Wicaksono, European Forest Institute

Le WRI a élaboré deux scénarios prévisionnels pour observer les impacts potentiels des décisions d’aménagement du territoire dans le district.

  • Un scénario de maintien du statu quo, ne prévoyant pas de changement dans l’utilisation des terres au cours de la période de planification 2022 2026.
  • Un scénario d’extension de l’huile de palme, selon lequel les plantations d’huile de palme seraient étendues sur les cinq prochaines années.
Graphique 4 : Étape 3 (scénarios) du Land-use Planner. Les scénarios permettent au WRI d’effectuer des prévisions des effets potentiels des décisions d’aménagement du territoire sur la période de planification 2022–2026. Source : WRI Indonésie, projet Land-use Planner

Création de scénarios prévisionnels visant à éclairer le développement stratégique

La création de scénarios est la première étape visant à faciliter le dialogue entre les principales parties prenantes dans la région. Elle peut être mise à profit pour élaborer une vision commune du développement futur du district de Banyuasin. En collaboration avec le gouvernement du district, le WRI a l’intention de dialoguer avec les parties prenantes pour affiner encore les scénarios et étudier les répercussions économiques, environnementales et sociales de chacun d’eux. Le gouvernement du district pourra ensuite s’appuyer sur ces éléments pour améliorer la gestion des plaines en trouvant un équilibre entre les besoins des communautés locales, d’une part, et la conservation des forêts et le développement des infrastructures, d’autre part. Plus précisément, les scénarios peuvent contribuer à éclairer l’élaboration du plan d’action du district pour une huile de palme durable ainsi que le développement d’autres moyens de subsistance pour les communautés locales, dans le cadre du programme public visant à réduire les conflits et à améliorer la sécurité foncière.

Vietnam : la planification au service d’une agriculture durable dans les montagnes centrales

Grâce à l’adoption de la réforme introduisant la politique du Doi Moi (1986), l’économie du Vietnam, qui reposait essentiellement sur une agriculture de subsistance, a évolué vers une agriculture commerciale. Dans les années 2000, les exportations agricoles du pays ont connu une croissance exponentielle, passant de 4,7 milliards USD en 2005 à 17,4 milliards USD en 2016. Les principales matières premières agricoles produites au Vietnam sont le riz en paille, le café, le caoutchouc, le thé, le poivre, les noix de cajou, les fruits, les légumes et le bois.

Pour développer une production durable de matières premières agricoles qui favorise l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ce phénomène, le gouvernement vietnamien a mis en place à l’échelle du pays, des provinces et des districts plusieurs politiques destinées à accroître la valeur ajoutée dans le secteur agricole grâce à l’aménagement du territoire. La Loi sur la production agricole (2018) prévoit une utilisation durable des ressources naturelles et des infrastructures. Elle impose aussi le respect des normes de qualité de l’eau, lie la productivité à la conservation, et associe les communautés locales au développement rural. Elle appelle en outre à développer les utilisations agricoles conformément à l’aménagement du territoire. De même, en vertu de la Loi de planification (2018), des plans doivent être élaborés tous les dix ans à l’échelle du pays, des régions et des districts pour les systèmes urbains et ruraux. Ces plans doivent comporter des volets consacrés aux aspects économiques, sociaux et environnementaux et au changement climatique. De plus, la Loi sur les forêts (2017) impose l’élaboration d’un plan national pour les forêts, garantissant la conservation et la protection des forêts naturelles, et de plans de gestion forestière permettant des prélèvements de bois durables dans les zones de production.

Une production de café durable

Localisation du district de Di Linh, dans la province de Lam Dong. Source : EFI

Les montagnes centrales sont la principale zone de production de café du Vietnam, dont proviennent 80 % de la production de café Robusta. Le développement de cette matière première a assuré la réussite économique du pays. Néanmoins, l’utilisation d’engrais, de pesticides et de systèmes d’irrigation inefficaces a été nocive pour l’environnement. La région enregistre aussi un taux de déforestation élevé (8 % entre 2000 et 2010), une dégradation des sols, un appauvrissement de la biodiversité et une pollution de l’eau.

Le Mekong Development Research Institute (MDRI) et IDH ont collaboré pendant la formation et utilisé le Land-use Planner dans le district de Di Linh (province de Lam Dong), dans le cadre de leurs activités de soutien aux parties prenantes et aux facilitateurs locaux participant à l’aménagement du territoire. Les parties prenantes sont préoccupées par les utilisations non durables des terres et les difficultés des petits exploitants dans cette région montagneuse de 160 000 hectares, où les forêts et les systèmes de culture du café constituent les principales utilisations des terres. Grâce au Land-use Planner, l’IADM et IDH ont pu mieux comprendre les impacts potentiels des différentes décisions d’aménagement du territoire, consistant par exemple à améliorer la production de café ou à privilégier la réduction de la déforestation, à un horizon de planification de 30 ans (2022 2051).

Trois scénarios ont été élaborés :

  • Un scénario de maintien du statu quo, dans lequel la monoculture du café constitue la principale utilisation des terres.
  • Un deuxième scénario, selon lequel 1 000 hectares de culture du café sont convertis en forêts naturelles et 4 000 hectares de forêts naturelles en forêts plantées.
  • Un troisième scénario, dans lequel la monoculture du café laisse la place à une culture associée à la noix de macadamia.

Création de scénarios prévisionnels favorisant l’élaboration de plans d’utilisation des terres à l’échelle du district et de la province

La création de scénarios prévisionnels d’utilisation des terres et l’analyse des coûts et avantages potentiels des diverses décisions de planification peuvent éclairer les processus d’aménagement participatif afin d’élaborer des plans d’utilisation durable des terres dans le district de Di Linh. Les parties prenantes peuvent utiliser le Land-use Planner et générer différents scénarios pour s’accorder sur une vision claire permettant d’intégrer la production de café zéro déforestation et d’autres matières premières dans la future trajectoire d’utilisation des terres du district. Les scénarios peuvent être affinés à l’aide de données concernant les aspects économiques, sociaux et environnementaux et offrir ainsi une occasion d’élaborer pour le district un plan multipartite susceptible d’entrer dans le processus de planification de la province.

Graphique 6 : Scénarios tirés de la simulation réalisée à l’aide du Land-use Planner. Source : MDRI et IDH, projet Land-use Planner

Promouvoir l’aménagement participatif du territoire grâce au Land-use Planner

Au cours de la formation, les participants ont appris à utiliser le Land-use Planner pour promouvoir des processus d’aménagement du territoire inclusifs, étayés par des données, dans une multitude de contextes mettant en jeu divers problèmes d’occupation des sols. Grâce à cet outil, ils ont pu calculer le coût et les avantages de différentes utilisations des terres et effectuer une simulation des répercussions futures des décisions en matière d’aménagement du territoire. Ils ont ainsi comparé divers scénarios et mis en évidence leurs principaux avantages et inconvénients, ces éléments pouvant servir de base à un dialogue continu avec les parties prenantes afin de promouvoir une gestion durable des terres.

Renforcer la participation à la transformation de l’agriculture et la stabilisation du front agricole

Nouvelle démarcation du front agricole

En juin 2018, l’État colombien a officialisé la création de la frontière agricole nationale, fruit d’une collaboration entre le ministère de l’Agriculture et du Développement rural (MADR), l’Unité de planification agricole rurale (UPRA) et le ministère de l’Environnement et du Développement durable (MADS). La création de la frontière agricole vise à enrayer la déforestation induite par le développement des activités agricoles à l’échelle nationale. En prenant cette mesure, l’État colombien affecte 35 % du territoire national (environ 40 millions d’hectares) aux activités agricoles. Les zones restantes situées en dehors de la frontière sont en majorité destinées à la conservation des forêts naturelles et d’autres écosystèmes essentiels, comme les zones humides et les landes.

Cette nouvelle démarcation de la frontière agricole, qui fait partie de la stratégie intégrale de gestion des forêts et de contrôle de la déforestation (EICDGB), soulève plusieurs défis pour le monde agricole. Ainsi, les agriculteurs dont l’exploitation se situe à l’extérieur de la frontière sont contraints de reconvertir leurs productions. Ceux dont l’exploitation se trouve à l’intérieur de la nouvelle zone démarquée cherchent à augmenter leur productivité à l’hectare puisqu’ils ne peuvent étendre les superficies cultivées. L’UPRA s’est associée à l’Institut d’hydrologie, de métrologie et d’études environnementales (IDEAM) pour réaliser au sein de la frontière agricole, avec pour objectif de déterminer quelles sont les possibilités de production les plus prometteuses et d’éclairer l’aménagement du territoire.

Pour maintenir les activités agricoles existantes dans les limites du front, tout en accélérant la transition vers des systèmes de production plus adaptés, l’UPRA élabore un ensemble de schémas directeurs pour encadrer la transformation de différentes filières. Ces schémas seront ensuite reliés à d’autres instruments sectoriels et territoriaux, tels que les stratégies départementales de planification de la production agricole.

2021 : une année charnière pour la transformation agricole

Pour la période 2020-2021, l’UPRA s’est fixé comme objectif l’élaboration de cinq schémas de transformation pour la filière rizicole (correspondant à cinq zones de culture du riz : Bajo Cauca, Llanos, Centro, Costa Norte et Santanderes). À cette fin, des spécialistes en transformation agricole ont généré plusieurs scénarios prospectifs à l’aide de l’outil Land-use Planner, avec l’appui l’Institut européen de la forêt (EFI), dans le cadre d’une démarche de concertation des différents acteurs de la filière.

Ce travail mené conjointement par l’UPRA et l’EFI a débouché sur un projet pilote dans deux départements, Tolima et Sucre (situés respectivement dans les régions de Bajo Cauca et de Costa Norte).

Localisation du département de Tolima et du front agricole
Source: UPRA, SIPRA
Localisation du département de Sucre et du front agricole
Source: UPRA, SIPRA

L’objectif de ce projet consistait à dresser un panorama complet des impacts potentiels des changements d’utilisation des terres au fil du temps, et d’offrir un espace pour le dialogue entre les producteurs et les industriels de la filière afin de parvenir à un consensus à propos de son avenir dans ces deux départements. L’analyse menée a englobé des critères environnementaux et sociaux rarement pris en compte par les producteurs ou par les entrepreneurs, tels que les émissions de gaz à effet de serre, la perte de biodiversité, la couverture forestière, la création d’emplois et la sécurité alimentaire. Cette réflexion a permis de dessiner une feuille de route pour la production rizicole dans les deux départements et de définir des directives techniques pour la gestion foncière. Le projet pilote a permis d’envisager l’application du Land-use Planner à d’autres schémas directeurs de transformation, mais aussi son usage par l’équipe en charge de l’aménagement du territoire de l’UPRA.

La production rizicole dans les départements de Tolima et de Sucre

Depuis quelques années, les surfaces cultivées en riz n’augmentent plus dans les départements de Tolima et Sucre, qui présentent chacun de grandes variations de rendement. Les producteurs et les entrepreneurs consultés ont validé les scénarios prospectifs suivants :

  • Expansion des surfaces cultivées en riz dans les zones où les conflits d’utilisation des terres sont rares, tout en prévoyant une réduction des surfaces et un remplacement de cette culture dans les zones où les conflits d’utilisation des terres se multiplient.
  • Amélioration des rendements dans les zones où subsistent des méthodes de production manuelles ou faiblement mécanisées, et qui pourraient bénéficier d’investissements de source publique, privée ou mixte.
  • Le soja et le maïs sont les principales cultures retenues pour remplacer le riz à Tolima, tandis que c’est l’élevage à double objectif qui est choisi à Sucre.
  • Dans le scénario qui correspond aux utilisations actuelles des terres dans les deux départements, l’expansion de l’élevage alimente la déforestation, mais il est prévu de mettre en place par la suite des stratégies pour l’enrayer et protéger les zones humides (Sucre) et les landes (Tolima).

Le dialogue ayant été engagé entre les acteurs d’une seule et même filière, les diverses visions des acteurs convergeaient suffisamment pour ne pas exiger de concessions trop importantes lors de l’étude des scénarios. Trois facteurs ont cependant nourri la discussion et la réflexion, et ont conduit le groupe à proposer des alternatives ou à s’accorder sur un compromis :

  1. Les impacts des changements climatiques entraînent la nécessité de s’adapter pour maintenir (ou augmenter) les rendements (investissement dans la mécanisation et l’amélioration des systèmes d’irrigation, etc.).
  2. Dans le département de Sucre, il existe la possibilité d’alterner production rizicole et élevage tous les cinq ans pour augmenter les revenus des producteurs, améliorer la productivité des sols et limiter l’expansion des surfaces exploitées au détriment des zones humides. Déjà employé ailleurs, ce modèle n’a jamais été appliqué en Colombie, et l’utilisation du Land-use Planner permettrait de générer des informations supplémentaires pour mieux évaluer les impacts.
  3. Nécessité d’évoluer vers des systèmes de production durables dans les deux départements pour enrayer la destruction d’écosystèmes essentiels, notamment les zones humides et les landes.

Perspectives d’avenir

L’UPRA se consacrera tout au long de l’année 2021 à l’élaboration de schémas directeurs pour la transformation des filières lait et viande, lesquelles alimentent l’une comme l’autre la déforestation et génèrent de graves conflits d’utilisation des terres. Dans cette perspective, l’application du Land-use Planner permettra de faire la preuve du grand intérêt de cet outil participatif à même de susciter le dialogue entre acteurs des filières. Son adoption et son utilisation par les spécialistes de l’UPRA faciliteront la réalisation des analyses nécessaires concernant les différents territoires et départements, ainsi que la communication et la diffusion des résultats de ces travaux.

Commune de Ngong : une discussion avec les habitants du village proche de Tchéboa, en présence de leur chef coutumier. Crédit: Pascal Douard

L’aménagement du territoire, un enjeu pour la paix et le développement au Nord Cameroun

La région Nord du Cameroun s’étend sur environ 65 000 km2, soit plus de deux fois la superficie de la Belgique. Son chef-lieu, Garoua, troisième plus grande ville du pays, compte près d’un million d’habitants. Garoua est pourvue d’un aéroport international, témoin d’une époque récente (environ entre les années 1970 et 2000) où les visiteurs étrangers s’y rendaient pour ensuite visiter les différents parcs nationaux et réserves de chasse de la région, dites zones d’intérêt cynégétique (ZIC). En effet, jusqu’au début des années 2000, ces territoires touristiques, qui couvrent une petite moitié de la région, assuraient un revenu aux communes et communautés locales. Cependant, depuis le milieu des années 2010, un contexte sécuritaire devenu difficile dans l’Extrême Nord a fait fuir les touristes de la région Nord mitoyenne. Par ailleurs, des populations qui fuyaient les zones les plus dangereuses y vinrent s’installer.

Commune de Ngong, un troupeau s’alimente dans une zone de culture. Crédit : Pascal Douard

Dans la région Nord, les terres coutumières sont gérées par les Lamido (principaux chefs terriens de la région). La région est dédiée à l’agropastoralisme depuis des générations, une activité qui occupe encore aujourd’hui la grande majorité des adultes. En outre, dans l’actualité, cette zone rurale est aussi le grenier à céréales du pays, ainsi que son principal fournisseur de légumineuses et d’oignons. Cependant, depuis les années 1950, la région est immergée dans un processus de transformation agricole dont le principal moteur a été l’introduction de la culture du coton.

Actuellement, l’élevage transhumant, avec des troupeaux de plusieurs centaines de têtes, se superpose en partie aux zones de production agricole avec des couloirs de transhumance pouvant donner lieu à des conflits d’usages.

Malgré toutes ces activités, la région reste pauvre et la question de la sécurité alimentaire subsiste. À ce défi viennent s’ajouter les questions environnementales de l’appauvrissement des sols, la gestion des ressources en eau, et le changement climatique.

Divers programmes de développement sont actifs dans la région, portant sur la gestion de la faune, les ressources naturelles et le développement rural. Avec une vingtaine d’initiatives en cours et la multiplication des acteurs d’intervention, une meilleure coordination, concertation et planification sont nécessaires.

Carte : Conservation, sécurité et transhumance au Nord Cameroun. Source : Observatoire des forêts d’Afrique Centrale, 2019.

Vers une gestion intégrée de l’écosystème du Nord Cameroun : la vision du programme EcoNorCam

Face aux difficultés rencontrées au niveau sécuritaire, environnemental et agropastoral, ainsi qu’à la multiplicité des acteurs sur le terrain, le Gouvernement camerounais encourage l’émergence d’un modèle de gestion intégrée de la région. Soutenues par l’Union européenne (UE), les autorités ont comme objectif à long terme de concilier les différents usages de manière durable : atteindre une meilleure résilience aux changements du climat ; produire suffisamment pour nourrir une population jeune et en forte croissance ; et protéger les sols et la biodiversité.

Au niveau national, le programme EcoNorCam engage le ministère des Forêts et de la Faune MINFOF, le ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire (MINEPAT), la primature ainsi que le gouverneur de la région Nord. Il a pour ambition de favoriser le dialogue qui permettra d’assurer une stabilité et un développement durable de la région. Cette initiative vise également à assurer la coordination et la mutualisation des actions entre les différents partenaires techniques d’implémentation. Les objectifs spécifiques du programme incluent le soutien à un territoire résilient, la conservation de la biodiversité et la sécurité alimentaire.

La mise en œuvre de EcoNorCam requiert la mise en place de cadres de concertation et d’activités aux échelles locales et nationale. Ces dernières doivent avoir lieu aussi bien à la capitale Yaoundé que sur le terrain, avec les maires, les gestionnaires d’aires protégées, les communautés villageoises, les éleveurs et les entreprises privées. Il s’agit alors de soutenir la résilience climatique des territoires dégradés en dehors des parcs, du maintien de l’intégrité du parc de la Bénoué en lien avec la lutte anti-braconnage, ainsi que d’augmenter les ressources alimentaires végétales et animales.

Afin de faciliter les discussions multiacteurs à l’échelle locale autour du devenir de ce territoire, le Land-use Planner a été utilisé dans le cadre du programme EcoNorCam pour obtenir les premiers diagnostics. Cet outil permet une évaluation participative des impacts économiques, sociaux et environnementaux de différents scénarios d’aménagement.

Étape 2 de l’outil le Land-use Planner : une prise en compte des données socio-économiques et environnementales des principaux usages des terres dans le Nord Cameroun, pour informer les discussions sur l’aménagement du territoire.

Des scénarios complémentaires aux objectifs multiples

L’utilisation du Land-use Planner permet de dégager des premières tendances qui correspondent à différents scénarios d’aménagement. Ces scénarios nourrissent les discussions entre les différents groupes d’acteurs dans leur recherche d’un équilibre entre conservation et développement du territoire.

  • Instauration de corridors biologiques entre les trois parcs nationaux de la région Nord : les zones situées entre les parcs nationaux, d’une richesse faunique remarquable, se trouvent être des réserves de chasses dans lesquelles des couloirs de biodiversité pourraient être définis afin d’assurer un continuum entre les aires protégées. Un classement de certaines ZIC en zone multi-usage est une première option possible.
  • Restauration de zones dégradées (sols et végétation) pour le retour d’une production agricole durable : la capacité de certaines ZIC à fournir les biens et services écosystémiques nécessaires au maintien de ses fonctions, notamment celles qui se retrouvent pâturées lors du passage des troupeaux en transhumance, est considérée comme point de départ des zones à réhabiliter. Des programmes de restauration de paysages forestiers sont pris en compte comme scénario de réhabilitation.
  • Amélioration des rendements agricoles en lien avec la sécurité alimentaire : l’augmentation des surfaces agricoles dédiées à la production de coton ne peut aller à l’encontre des besoins en production locale d’aliments. Ainsi, des zones d’intensification agricole sont envisagées, fondées sur des pratiques mobilisant particulièrement le travail des femmes et des jeunes autour d’une forme d’exploitation durable des produits forestiers non ligneux et du bois de chauffe.
Commune de Ngong : aux pourtours d’un hameau, des branches coupées pour les besoins domestiques. Crédit: Pascal Douard

Des espaces suffisamment grands, mais une compétition sur les terres les plus fertiles

Les territoires sur lesquels plusieurs usages se trouvent en concurrence font l’objet d’une attention particulière. La chasse, l’élevage et la production agricole se concentrent parfois sur les mêmes zones, et la cohabitation entre gestionnaires d’aires protégées, éleveurs et agriculteurs nécessite une concertation régulière. Les ZIC sont des zones clefs dans cette concertation entre usagers du territoire : les gestionnaires d’exploitations agro-sylvo-pastorales souhaitent y déclarer leurs activités officiellement, tandis que d’autres acteurs souhaitent restaurer ou pérenniser les activités de chasse encadrée dans l’objectif d’une offre touristique durable.

Commune de Ngong : une discussion avec les habitants du village proche de Tchéboa, en présence de leur chef coutumier. Crédit: Pascal Douard

Des perspectives réalistes

Des changements dans les usages sont envisagés, sur la base de compromis nécessaires entre acteurs politiques, économiques et environnementaux. Ces choix collectifs doivent être inscrits dans des plans consensuels, mais ils doivent surtout être pérennisés à travers des financements à long terme. Les outils tels que le Land-use Planner aideront à chiffrer les coûts et potentiels bénéfices. Tout l’enjeu sera bien d’inscrire un scénario de développement dans un document qui soit compris et adopté par tous, pour l’intérêt commun.

Le scénario d’aménagement régional négocié qui découlera du processus participatif pourra alors être décliné au sein de plans locaux d’aménagement et de développement durable du territoire (PLADDT). Ceci permettra l’application à l’échelle communale des réflexions proposées au niveau de la région. Cette articulation à l’échelle locale sera assurée à travers la mise en œuvre de plans locaux reflétant une réalité de pratiques et usages locaux.

Commune de Ngong : un point d’eau dans un village proche de Tchéboa.

Pour plus d’info

Délégation de l’Union européenne en République du Cameroun à Yaoundé
Sylvaine JARDINET, attaché Équipe Agriculture et Environnement
Sylvanie.JARDINET@eeas.europa.eu