Des formateurs au service de l’aménagement participatif du territoire

Dernièrement, la Facilité REDD de l’UE avons organisé une formation sur notre Land-use Planner, un outil gratuit et interactif conçu pour faciliter les processus d’aménagement participatif du territoire. Le Land-use Planner est pratique, facile à utiliser et applicable à un large éventail de contextes et de processus de planification. Durant quatre semaines, nous avons formé 26 participants issus de sept organisations. Au cours de la formation, nous avons présenté l’approche inclusive de l’aménagement du territoire élaborée par l’Institut européen de la Forêt et, à chaque étape, communiqué des orientations sur l’utilisation du Land-use Planner à partir de cas réels soumis par les participants.

Au cours de la formation, les différentes équipes ont rassemblé des données sur les principales utilisations des terres, élaboré des scénarios prévisionnels d’occupation des sols pour leurs études de cas et analysé les répercussions économiques, environnementales et sociales de leurs diverses options de planification. On trouvera ci dessous les éléments marquants de trois projets étudiés pendant cette formation, lesquels illustrent l’application que l’on peut faire de cet outil dans des contextes de planification variés.

Laos : trouver des solutions de remplacement de l’agriculture itinérante grâce à l’aménagement du territoire

L’agriculture itinérante représente un défi de taille dans le cadre des efforts déployés pour promouvoir une gestion durable des terres dans le Nord Laos. Cette région se heurte à des difficultés liées à l’exploitation forestière illégale. De plus, l’ouverture de chemins et de routes permet d’accéder au massif forestier, ce qui conduit à une dégradation, à une fragmentation et in fine à une disparition des forêts. Dans l’agglomération de Thamla, GIZ et RECOFTC s’emploient à faciliter leur gestion et leur conservation, afin de réduire la déforestation et les émissions de gaz à effet de serre.

Au cours de la formation à l’aménagement du territoire, une équipe de GIZ et de RECOFTC a étudié les solutions de remplacement de l’agriculture itinérante afin d’améliorer la gestion des terres sur les cinq prochaines années. Leur projet portait essentiellement sur l’agglomération de Thamla, qui comprend trois villages répartis sur 17 000 hectares. Plusieurs utilisations des terres sont présentes, dont la culture du riz, des plantations de thé, des forêts et des pâturages.

Graphique 1 : Carte de la province de Houaphan, au Laos.
Graphique 1 : Carte de la province de Houaphan, au Laos.

Grâce au Land-use Planner et à leur connaissance des problématiques locales, GIZ et RECOFTC ont élaboré deux premiers scénarios prévisionnels pour mettre au jour les impacts potentiels des choix d’aménagement du territoire.

• Un scénario de maintien du statu quo, sans modification des activités d’occupation des sols pendant la période de planification 2022 2026.

• Un scénario d’extension, dans lequel les plantations de thé et d’arbres à huile de tung sont étendues à des zones précédemment affectées à la culture du riz.

Graphique 2 : Étape 3 (scénarios) du Land-use Planner. Les scénarios permettent à GIZ et à RECOFTC d’effectuer des projections des effets potentiels des choix d’aménagement du territoire sur une période de cinq ans. Source : GIZ et RECOFTC, projet Land-use Planner
Graphique 2 : Étape 3 (scénarios) du Land-use Planner. Les scénarios permettent à GIZ et à RECOFTC d’effectuer des projections des effets potentiels des choix d’aménagement du territoire sur une période de cinq ans. Source : GIZ et RECOFTC, projet Land-use Planner

Scénarios prévisionnels d’utilisation des terres associant les parties prenantes à une planification durable

L’exercice de création des scénarios a permis à l’équipe de dégager les principaux problèmes existant dans la région en matière d’utilisation des terres, ainsi que les choix qui devraient être dans la balance dans les futurs processus d’aménagement du territoire. La simulation montre qu’il serait possible de développer les zones agricoles sans empiéter de manière significative sur les forêts protégées et de conservation. GIZ et RECOFTC peuvent désormais utiliser les scénarios et les résultats de la simulation pour faciliter le dialogue entre les agriculteurs, les fonctionnaires et les autres parties prenantes à l’aménagement du territoire. Ces scénarios peuvent être affinés tout au long de ce processus participatif. Le Land-use Planner peut ainsi être utilisé dans le cadre d’un processus de planification inclusif réunissant autour de la table les principales parties prenantes afin d’élaborer une vision commune de l’avenir du milieu naturel. Il permet de mieux comprendre les répercussions environnementales, économiques et sociales des différentes décisions en matière d’utilisation des terres.

Indonésie : concilier le développement des plaines et la conservation des mangroves dans la province de Sumatra du Sud

En 2021, le gouvernement indonésien a choisi le district de Banyuasin pour mettre en œuvre des approches pilotes visant à améliorer la gestion des tourbières et des mangroves dans le pays. Le district est dominé par des tourbières et des mangroves riches en carbone. Il abrite aussi le parc national de Sembilang et la plus vaste mangrove d’Indonésie occidentale. Le littoral est aussi jugé stratégique, car il comprend plusieurs plaques tournantes portuaires de la province et représente une région clé pour le transport par voies navigables. Le district compte 21 sous-districts et 305 villages répartis sur 1,2 million d’hectares et les petites exploitations agricoles cultivent notamment de la noix de coco et de l’huile de palme, y compris dans la Zone forestière où sont situées les tourbières et les mangroves. La variété des activités économiques et l’importance des sites naturels du district de Banyuasin soulèvent différentes difficultés au regard de l’amélioration de la gestion des terres. Un aménagement du territoire est plus que nécessaire pour trouver l’équilibre entre le développement des plaines et la conservation des mangroves, et préserver les moyens d’existence des petits exploitants.

Zones de mangrove converties pour d’autres utilisations des terres, possiblement des plantations d’huile de palme. Source : Satrio Wicaksono, European Forest Institute

Gestion intégrée des sites naturels du sous-district de Banyuasin II

Graphique 3 : Carte du district de Banyuasin, en Indonésie. Source : WRI Indonesia

Le World Resources Institute (WRI) Indonésie possède un bureau dans la province de Sumatra du Sud et étudie avec le gouvernement du district de Banyuasin une éventuelle collaboration concernant une production durable d’huile de palme. À cette fin, le WRI a utilisé le Land-use Planner pour chercher à savoir comment étendre les zones agricoles affectées à l’huile de palme et au caoutchouc et développer les infrastructures sans empiéter sur les forêts protégées et de conservation dans le sous-district de Banyuasin II du district de Banuyasin, dans la province de Sumatra du Sud.

Le sout-district de Banyuasin II est une zone côtière de 350 000 hectares dominée par des tourbières, qui comprend :

  • des zones de mangrove (la plus vaste zone de mangrove d’Indonésie occidentale),
  • des plantations de noix de coco, d’huile de palme et de caoutchouc,
  • des zones économiques spéciales créées pour favoriser le développement futur du secteur portuaire.
Palétuviers à proximité de la côte. Source : Satrio Wicaksono, European Forest Institute
Plantations d’huile de palme. Source : Satrio Wicaksono, European Forest Institute

Le WRI a élaboré deux scénarios prévisionnels pour observer les impacts potentiels des décisions d’aménagement du territoire dans le district.

  • Un scénario de maintien du statu quo, ne prévoyant pas de changement dans l’utilisation des terres au cours de la période de planification 2022 2026.
  • Un scénario d’extension de l’huile de palme, selon lequel les plantations d’huile de palme seraient étendues sur les cinq prochaines années.
Graphique 4 : Étape 3 (scénarios) du Land-use Planner. Les scénarios permettent au WRI d’effectuer des prévisions des effets potentiels des décisions d’aménagement du territoire sur la période de planification 2022–2026. Source : WRI Indonésie, projet Land-use Planner

Création de scénarios prévisionnels visant à éclairer le développement stratégique

La création de scénarios est la première étape visant à faciliter le dialogue entre les principales parties prenantes dans la région. Elle peut être mise à profit pour élaborer une vision commune du développement futur du district de Banyuasin. En collaboration avec le gouvernement du district, le WRI a l’intention de dialoguer avec les parties prenantes pour affiner encore les scénarios et étudier les répercussions économiques, environnementales et sociales de chacun d’eux. Le gouvernement du district pourra ensuite s’appuyer sur ces éléments pour améliorer la gestion des plaines en trouvant un équilibre entre les besoins des communautés locales, d’une part, et la conservation des forêts et le développement des infrastructures, d’autre part. Plus précisément, les scénarios peuvent contribuer à éclairer l’élaboration du plan d’action du district pour une huile de palme durable ainsi que le développement d’autres moyens de subsistance pour les communautés locales, dans le cadre du programme public visant à réduire les conflits et à améliorer la sécurité foncière.

Vietnam : la planification au service d’une agriculture durable dans les montagnes centrales

Grâce à l’adoption de la réforme introduisant la politique du Doi Moi (1986), l’économie du Vietnam, qui reposait essentiellement sur une agriculture de subsistance, a évolué vers une agriculture commerciale. Dans les années 2000, les exportations agricoles du pays ont connu une croissance exponentielle, passant de 4,7 milliards USD en 2005 à 17,4 milliards USD en 2016. Les principales matières premières agricoles produites au Vietnam sont le riz en paille, le café, le caoutchouc, le thé, le poivre, les noix de cajou, les fruits, les légumes et le bois.

Pour développer une production durable de matières premières agricoles qui favorise l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ce phénomène, le gouvernement vietnamien a mis en place à l’échelle du pays, des provinces et des districts plusieurs politiques destinées à accroître la valeur ajoutée dans le secteur agricole grâce à l’aménagement du territoire. La Loi sur la production agricole (2018) prévoit une utilisation durable des ressources naturelles et des infrastructures. Elle impose aussi le respect des normes de qualité de l’eau, lie la productivité à la conservation, et associe les communautés locales au développement rural. Elle appelle en outre à développer les utilisations agricoles conformément à l’aménagement du territoire. De même, en vertu de la Loi de planification (2018), des plans doivent être élaborés tous les dix ans à l’échelle du pays, des régions et des districts pour les systèmes urbains et ruraux. Ces plans doivent comporter des volets consacrés aux aspects économiques, sociaux et environnementaux et au changement climatique. De plus, la Loi sur les forêts (2017) impose l’élaboration d’un plan national pour les forêts, garantissant la conservation et la protection des forêts naturelles, et de plans de gestion forestière permettant des prélèvements de bois durables dans les zones de production.

Une production de café durable

Localisation du district de Di Linh, dans la province de Lam Dong. Source : EFI

Les montagnes centrales sont la principale zone de production de café du Vietnam, dont proviennent 80 % de la production de café Robusta. Le développement de cette matière première a assuré la réussite économique du pays. Néanmoins, l’utilisation d’engrais, de pesticides et de systèmes d’irrigation inefficaces a été nocive pour l’environnement. La région enregistre aussi un taux de déforestation élevé (8 % entre 2000 et 2010), une dégradation des sols, un appauvrissement de la biodiversité et une pollution de l’eau.

Le Mekong Development Research Institute (MDRI) et IDH ont collaboré pendant la formation et utilisé le Land-use Planner dans le district de Di Linh (province de Lam Dong), dans le cadre de leurs activités de soutien aux parties prenantes et aux facilitateurs locaux participant à l’aménagement du territoire. Les parties prenantes sont préoccupées par les utilisations non durables des terres et les difficultés des petits exploitants dans cette région montagneuse de 160 000 hectares, où les forêts et les systèmes de culture du café constituent les principales utilisations des terres. Grâce au Land-use Planner, l’IADM et IDH ont pu mieux comprendre les impacts potentiels des différentes décisions d’aménagement du territoire, consistant par exemple à améliorer la production de café ou à privilégier la réduction de la déforestation, à un horizon de planification de 30 ans (2022 2051).

Trois scénarios ont été élaborés :

  • Un scénario de maintien du statu quo, dans lequel la monoculture du café constitue la principale utilisation des terres.
  • Un deuxième scénario, selon lequel 1 000 hectares de culture du café sont convertis en forêts naturelles et 4 000 hectares de forêts naturelles en forêts plantées.
  • Un troisième scénario, dans lequel la monoculture du café laisse la place à une culture associée à la noix de macadamia.

Création de scénarios prévisionnels favorisant l’élaboration de plans d’utilisation des terres à l’échelle du district et de la province

La création de scénarios prévisionnels d’utilisation des terres et l’analyse des coûts et avantages potentiels des diverses décisions de planification peuvent éclairer les processus d’aménagement participatif afin d’élaborer des plans d’utilisation durable des terres dans le district de Di Linh. Les parties prenantes peuvent utiliser le Land-use Planner et générer différents scénarios pour s’accorder sur une vision claire permettant d’intégrer la production de café zéro déforestation et d’autres matières premières dans la future trajectoire d’utilisation des terres du district. Les scénarios peuvent être affinés à l’aide de données concernant les aspects économiques, sociaux et environnementaux et offrir ainsi une occasion d’élaborer pour le district un plan multipartite susceptible d’entrer dans le processus de planification de la province.

Graphique 6 : Scénarios tirés de la simulation réalisée à l’aide du Land-use Planner. Source : MDRI et IDH, projet Land-use Planner

Promouvoir l’aménagement participatif du territoire grâce au Land-use Planner

Au cours de la formation, les participants ont appris à utiliser le Land-use Planner pour promouvoir des processus d’aménagement du territoire inclusifs, étayés par des données, dans une multitude de contextes mettant en jeu divers problèmes d’occupation des sols. Grâce à cet outil, ils ont pu calculer le coût et les avantages de différentes utilisations des terres et effectuer une simulation des répercussions futures des décisions en matière d’aménagement du territoire. Ils ont ainsi comparé divers scénarios et mis en évidence leurs principaux avantages et inconvénients, ces éléments pouvant servir de base à un dialogue continu avec les parties prenantes afin de promouvoir une gestion durable des terres.