Promotion d’une gestion forestière intégrée dans la forêt pédagogique de Getas-Ngandong, en Indonésie, à travers un aménagement inclusif du territoire
En 2016, le ministère indonésien de l’Environnement et des Forêts a chargé l’Université Gadjah Mada (UGM), centre de recherche de premier plan, de gérer les 10 987 hectares de la forêt de Getas-Ngandong sous forme de « forêt pédagogique ». Située de part et d’autre de la frontière séparant les provinces de Java central et de Java oriental, cette ancienne forêt de production de teck était gérée par une entreprise publique, Perum Perhutani. Plus récemment, elle a été classée « forêt à affectation spéciale » par le ministère de l’Environnement et des Forêts (image 1). Au sein de l’UGM, nous nous demandons aujourd’hui comment la gérer pour répondre aux besoins et aux projets des personnes associées à l’université et de la communauté locale environnante.

Le conflit foncier et la gestion de la forêt de Getas-Ngandong
À la fin des années 1990 et au début des années 2000, période marquée par le début de l’Ère de la réforme en Indonésie et par une application généralement peu rigoureuse du droit foncier, d’importantes quantités de bois ont été illégalement prélevées dans la forêt de Getas Ngandong, dont plusieurs parties ont été converties en plantations de maïs. Cela a conduit à un conflit foncier prolongé entre Perum Perhutani et les villageois des environs. Même lorsque Perum Perhutani a commencé à élaborer des approches locales de la gestion forestière, le conflit a persisté.
En tant que nouveau gestionnaire de la forêt de Getas-Ngandong, l’UGM, par l’intermédiaire de sa Faculté des sciences forestières, s’emploie à résoudre ce conflit et à concevoir des approches de la gestion forestière à Getas-Ngandong qui soient avantageuses pour les nombreuses parties prenantes. Si la Faculté a l’intention d’utiliser la forêt comme un centre pédagogique, de formation et de recherche pour les membres de l’université au sens large (graphique 2), les villageois qui vivent dans et autour de la forêt souhaitent continuer de l’utiliser pour y planter des matières premières, comme le maïs et la canne à sucre, afin d compléter leurs revenus. À l’heure actuelle, l’UGM développe un site agroforestier associant la culture du maïs et du gingembre à des plantations de tecks, en collaboration avec les communautés locales.


Dans le même temps, la dégradation de la forêt a suscité des inquiétudes (graphique 1). Nous envisageons donc de la réhabiliter pour renforcer les services écosystémiques qu’elle procure. Nous travaillons aussi avec d’autres parties prenantes – des organismes publics et des sociétés privées – à la mise en place d’activités de réhabilitation de la forêt. Dans certaines zones, nous avons commencé à planter différentes espèces d’arbres, comme des avocatiers, des manguiers, des jacquiers et des petai.

Analyser les scénarios prévisionnels d’utilisation des sols pour éclairer la gestion forestière
La réalisation de ces objectifs passe par une planification participative méticuleuse et des approches innovantes. Nous avons évoqué avec les membres des communautés l’idée de mettre en place des programmes d’utilisation collective de la forêt ou de réforme agraire dans cette zone. Nous avons aussi expérimenté l’outil Land-use Planner de l’Institut européen de la Forêt pour identifier d’éventuels scénarios prévisionnels d’utilisation des terres et leurs répercussions économiques, environnementales et sociales.
Catégories d’utilisations des terres | Superficie (ha) |
---|---|
Maïs | 6 487 |
Forêt de tecks | 2 000 |
Cultures intercalaires tecks maïs | 1 500 |
Canne à sucre | 500 |
Zone en jachère | 500 |
Total | 10 987 |
Aujourd’hui, l’utilisation des terres dans la forêt de Getas Ngandong est dominée par les plantations de maïs (environ 70 % de la superficie, voir le tableau ci dessus). Le restant est occupé par des plantations de tecks, des cultures intercalaires de tecks-maïs et de la canne à sucre, ainsi que d’une zone en jachère. À l’aide du Land use Planner, nous avons élaboré quatre scénarios pour mettre en évidence les effets potentiels des décisions d’aménagement du territoire au sein de la forêt de Getas Ngandong.
1. Scénario par défaut
Le scénario par défaut repose sur la situation actuelle, dans laquelle la population locale totale s’élève à 47 922 personnes et croît à un rythme de 0,41 %. Sur une période de simulation de 30 ans, à mesure que la population augmente, le Land-use Planner calcule que la superficie de la forêt de tecks diminuera lentement, alors que celle des plantations agricoles progressera (graphique 4). Nous avons notamment pour objectif de restaurer la zone forestière et de maintenir la zone forestière actuelle à l’état de forêt. Il nous faut donc envisager d’autres scénarios qui trouvent un meilleur équilibre entre la forêt et les terres agricoles. Ces scénarios doivent aussi offrir une solution mutuellement satisfaisante pour l’UGM, grâce à une gestion collaborative des terres avec la communauté locale, qui est extrêmement dépendante de cette zone.

2. Scénario d’extension du maïs
Le deuxième scénario étudie les effets de l’extension des utilisations agricoles, scénario probable en l’absence d’aménagement du territoire. Ce scénario vise à établir une simulation des modifications éventuelles de l’occupation des sols en convertissant la forêt de tecks en plantation de maïs et en développant plus encore la canne à sucre. Ce scénario se traduit par une explosion du taux de déforestation (à concurrence de 300 %). Il entraîne une disparition de la forêt de tecks à la fin de la période de simulation. En analysant les résultats, nos gestionnaires forestiers peuvent constater que sans aménagement du territoire et sans système de gestion forestière répondant au souhait des communautés d’étendre la production agricole, la zone forestière est menacée.

3. Scénario de développement du teck
Dans ce scénario, nous avons étudié le remplacement des plantations de canne à sucre par une forêt de tecks, ainsi que l’extension de la forêt de tecks, d’une part, et des plantations de sucre de canne, d’autre part, sur les plantations de maïs. Dans ce scénario, le couvert forestier de tecks augmentera sensiblement au cours des 30 prochaines années. Cependant, il est moins plausible qu’il se concrétise, la communauté locale étant dépendante de la zone forestière pour ses cultures. Un autre scénario peut être mis en œuvre à l’aide des systèmes agroforestiers (scénario 4).

4. Scénario agroforestier
Nous souhaitions également observer la dynamique de l’occupation des sols en cas de conversion des plantations de maïs et de canne à sucre en forêts de tecks et en cultures intercalaires (tecks-maïs). Nous mettons actuellement en œuvre cette stratégie pour soutenir les moyens de subsistance des habitants. Avec ce scénario agroforestier, nous cherchons à résoudre le conflit foncier.

Trouver une solution équilibrée en évaluant les diverses options d’aménagement du territoire

Outre la dynamique du changement d’occupation des sols, nous pouvons étudier les avantages et les inconvénients de nos quatre scénarios en fonction des différents aspects écologiques, économiques et sociaux présentés dans les résultats finaux du Land use Planner (graphique 6). Les résultats montrent que le scénario 4, notre scénario agroforestier prévoyant des cultures intercalaires tecks-maïs, offre le meilleur équilibre entre les avantages écologiques, économiques et sociaux. Suivant ce scénario, le couvert forestier atteindra 36 % dans 30 ans. C’est aussi celui qui offre la meilleure distribution des bénéfices, la plus importante production de matières premières et un impact positif sur les possibilités d’emploi. D’une manière générale, le scénario no 4 est conforme aux objectifs de lutte contre la déforestation dans la forêt de Getas Ngandong et d’amélioration des possibilités d’emploi et de subsistance de la communauté locale.
Lorsque les problèmes rencontrés sont complexes, la planification quantitative joue un rôle décisif dans le processus de prise de décision. Utiliser le Land-use Planner pour obtenir des détails sur les aspects écologiques, sociaux et économiques a permis de comprendre les options existantes en matière de gestion et leurs conséquences pour la forêt de Getas Ngandong.
Pour de plus amples informations, veuillez contacter :
Bekti Larasati
bekti.larasati@ugm.ac.id